Operation Paul Revere IV - 18 Octobre 1966 au 30 Décembre 1966
Localisation
CTZ II - Dans les provinces de Pleiku et Darlac à la frontière Cambdogienne.
Objectifs
Paul Revere IV était la continuation de la série d'opérations de recherche et destruction Paul Revere menées afin d'assurer une surveillance le long de la frontière cambodgienne.
Forces alliées en présence
2nd Brigade, 1st Cavalry Division (1/5,2/5, 1/9 et 2/12)
2nd Brigade, 4th Infantry Division (2/8, 1/12, 1/22)
3rd Brigade, 25th Infantry Division (1/14, 1/35, 2/35 et 3/4)
Special Forces (5th et 1st) Task Forces Prong et North
Forces communistes en présence
1ère Division ANV (24ème, 32ème 95B et 101C régiments)
Le théâtre des opérations de Paul Revere IV se situait dans les environs de deux camps de SF le long de la frontière cambodgienne: Plei Dejereng 40 km à l'ouest de la ville de Pleiku et Duc Co à 20 km plus au sud. Plei Djereng s'étendait à l'est de la vallée Plei Trap; La route 14 en assurait le lien.
Des rapports américains indiquaient de plus en plus de mouvements ennemis dans cette zone, et l'US Army commença son action. Le 3/25 trouva plusieurs traces ennemies dans la zone et jusqu'au 21 octobre 66 se heurta à des unités de faible taille au nord de Plei Djereng. Après avoir interrogé des prisonniers le commandement US eut la confirmation que les unités communistes provenaient du régiment 95B de l'ANV (ou PAVN) et de la 10ème Division et que quelque part au loin 2 autres régiments nord vietnamiens étaient présents, les 32ème et 33ème de la 1ère division.
Les deux brigades US découvrirent des camps de base ennemis désertés à la hâte mais ne tombèrent pas nez à nez avec des forces majeures ennemies avant le 27 octobre. Sur les 3 jours qui suivirent (du 23 au 25), 3 compagnies du 2/4 et 1 du 3/25 durent toutefois faire face à des attaques de nuit sur leur périmètre. Dans les 12 premiers jours de l'opération 138 KIA ennemis furent dénombrés pour 22 KIA et 114 WIA dans le camp américain.
La localisation des 3 régiments ennemis ayant été confirmée le commandement US décida de combattre entre les étendues d'eau, la Se San et la Nam Sathay.
La seule inquiétude américaine était un éventuel assaut ennemi sur la ligne arrière à Duc Co contre lequel il aurait été difficile de répondre rapidement en étant perché dans le Plei Trap. Pour assurer les arrières, la 2nd brigade de la 1st Cav fut acheminée à Oasis près de Duc Co dès le 30 octobre.
Les brigades étant prêtes, la ligne de Duc Co étant maintenant protégée, le commandement US déclencha la seconde phase de Paul Revere IV le 5 novembre. Sous les bombardements alliés 6 bataillons se lancèrent à travers la jungle épaisse à l'assaut de Plei Trap et toute la semaine suivante l'avancée fut méthodique et assurée en suivant les étapes fixées et le positionnement coordonné avec les frappes d'artillerie et aériennes. L'ANV s'attendait en fait à une avalanche d'hélicoptères et non une avancée lente et minutieuse et fut contrainte la première semaine à se replier et abandonner des fournitures.
Cette marche américaine avait cependant un défaut, alors que les brigades montaient vers Plei Trap parallèlement à la frontière, leur flanc ouest le long de la rivière Nam Sathay devenait exposé laissant à l'ennemi la possibilité de se faufiler et de venir frapper Plei Djereng. Mais le commandement américain était prêt à courir ce risque, en fait il aurait même bien accueilli la situation en espérant que l'ANV traverserait et regrouperait ses unités pour commencer un combat massif. Pour anticiper et se préparer à cette éventualité il comptait sur les SF, en effet ils disposaient de plusieurs petites bases étalées le long de la frontière. Le commandement des SF de la zone était basé à Kontum et envoya 3 compagnies d'irréguliers de la Task Force Prong, pour balayer la zone à l'ouest.
Un autre bataillon, Task Force North, pouvant assurer la surveillance le long de la zone nord des 2 brigades. Avec ce plan 850 hommes supplémentaires étaient mobilisés pour reconnaitre la zone sans engager le combat et cela pourrait permettre d'éviter un affrontement majeur à l'ouest de Nam Sathay seulement à 8 km du Cambodge.
Collision à Plei Trap
Les deux Task Forces furent déployées dans la vallée Plei Trap le 8 novembre. Les opérations menées dans la zone la plus au nord se révélèrent improductives, les terrains difficilement praticables avaient peu de chemins et il ne fut trouvé aucune trace permettant de corroborer que l'ennemi souhaitait traverser par cette zone.
A l'ouest de Nam Sathay ce fut tout autre chose. Dans la partie la plus au sud de Plei Trap la rivière débouchait sur un plateau de jungle traversé par de sentiers et des zones à découvert particulièrement près de la frontière cambodgienne. Par précaution 3 compagnies furent envoyées à travers la Nam Sathay pour sécuriser un passage à travers lequel pourrait se déployer la Task Force Prong. A la nuit tombée les 400 hommes des SF s'étaient organisés en 3 groupes chacun de la taille d'une compagnie pour explorer la zone le long de la frontière. Ils tombèrent sur de faibles concentrations ennemies mais à 5 reprises. Le lendemain matin le groupe le plus au sud engagea lors d’une embuscade des éléments de reconnaissance de l'ANV. Lors de la poursuite les SF tombèrent tête baissée dans un piège. Alors que les hommes essayaient de trouver une position de replis pour évacuer les blessés la route était bloquée. Après un appel radio pour obtenir de l'aide, la compagnie de SF centrale, la plus proche, se dérouta vers le sud pour apporter du renfort mais ne parvint pas à faire la jonction avant tard dans l'après-midi. En attendant l'artillerie et l'appui aérien maintenaient l'ennemi à distance des SF encerclés.
Le lendemain, 10 novembre un bataillon de réserve put atterrir sur la zone la mettant hors de danger temporairement. Les forces de de réserve ratissèrent la zone dans un sens tandis que les SF déjà en place ratissèrent dans l'autre sens. Mais avant que les deux unités n'aient fait leur jonction, le 88ème régiment de l'ANV attaqua la Task Force et la toucha sévèrement.
Pour la première fois dans Paul Revere IV les troupes alliées s'étaient approchées de très près de la zone de la base 702, enclave nord-vietnamienne de l'autre côté de la frontière cambodgienne. Le fait que le contact ait été établi par des SF principalement paramilitaires, légèrement armés et disséminés sur toute la zone pour les besoins de la 4th Division en faisait une cible encore plus facile. Tandis que la bataille progressait les éléments les plus au nord de la Task Force Prong engagèrent une compagnie du 88ème à 1 km du Cambodge.
Ce soir-là le commandement de la Task Force décida de risquer la séparation de ses effectifs en deux forces pour établir deux sites d'embuscade le long d'une piste fréquemment utilisée par l'ennemi parallèle au lit asséché d'un lac. Ce fut une erreur car le lendemain à 6h00 l’ennemi attaqua et mit en déroute les deux groupes. Après 3 replis successifs les SF parvinrent à tenir mais au prix de lourdes pertes. Ce matin-là, le commandement Us décida de déclencher un renfort massif alors que l'ANV s'apprêtait à avaler tout ce qui se trouvait à l'ouest de Nam Sathay. Un autre bataillon fut donc envoyé en renfort auprès de SF même si cela réduisait les forces présentes pour avancer dans la vallée.
Le renseignement américain savait que les régiments 95B et 32ème de l'ANV étaient toujours à Plei Trap et que le 66eme et le 101C était sur la zone de la base 702 au Cambodge à seulement une journée de marche de Nam Sathay. Il était donc évident que plus les troupes américaines se rapprocheraient du Cambodge plus la situation deviendrait pressante mais malgré tout le commandement décida le 11 novembre 66 un déplacement en force le long de Sam Sathay avec l'entièreté du 2/4 à la recherche des rescapés de la Task Force Prong tandis que le 3/25 continuait vers le Nord.
Afin d'essayer de sauver la Task Force, le 2/4 détacha son 1st bataillon du 12th Infantry par hélicoptère dans la bataille. Une compagnie ayant pour objectif de rentrer directement dans le périmètre tandis que le reste du bataillon lui atterrissait au nord-est du périmètre. Alors que les hueys s'approchaient, des mitrailleuses au sol ouvrirent le feu de positions bien retranchées. Un hélico en flamme se cracha. Le deuxième hélico entrant sur la zone fut lui aussi touché.
Un FACdans la zone couvrait l'action d'en haut, faisant une plongée pour une vue plus rapprochée il identifia 6 batteries antiaériennes dans une clairière à proximité. Si les américains avaient choisi d'atterrir sur cette zone ils auraient subi de lourdes pertes; Des frappes aériennes permirent de débarrasser la zone de l'ennemi.
Renforcés par une batterie d'artillerie, les hommes du 1/12 passèrent le reste de leur journée et la suivante à construire une base d'appui feu et à patrouiller sur la zone. Au sud-ouest les frappes américaines semblaient avoir arrêté la pression ennemie sur la Task Force et ses secours. A nouveau comme à son habitude l'ennemi avait déjà quitté la zone durant la nuit.
La nouvelle base d'appui feu baptisée Red Warrior était à moins de 3 km du Cambodge.
Red Warrior
Le 12 novembre au soir des obus de mortiers commencèrent à tomber sur Red Warrior lorsque les dernières patrouilles de la journée rentraient à la base.
Dans le ciel deux A-1 se lancèrent à l'appui de la base effectuant des cercles pour identifier l'ennemi au sol. A cet instant des mitrailleuses lourdes de 12,7 mm déclenchèrent leur feu et alors que les A-1 essayaient de cibler les concentrations ennemis, l'ANV déclencha une attaque massive sur la base avec 2 bataillons en provenance du nord et de l'ouest; la bataille pour Red Warrior avait commencé.
Durant l'heure qui suivi l'ennemi déversa plus de 500 obus de mortiers sur la position américain, la plus grande concentration de tirs indirects qu'avait connu une unité américaine au Vietnam jusqu'à là, les incendies déclenchés dans le périmètre entrainèrent l'explosion de munitions américaines stockées dans la zone.
Au-dessus avec les explosions et le périmètre éclairé par les flammes, les deux skyraiders passèrent à l'action. Plongeant sans lumière pour réduire les risques d'être touchés ils redressèrent après avoir largués napalm et bombes. Lorsque l'un plongeait l'autre allumait ses feux afin de faire diversion et d'attirer les tirs ennemis. Répétant cette tactique les deux avions réussirent à effectuer 45 tours dans les 30 minutes qui suivirent jusqu'à ce que les munitions leur fassent défaut.
Comme aucun renfort aérien n'arrivait, les appareils continuèrent à faire des boucles à vide afin de distraire l'ennemi. Au bout d'un moment des nouveaux appareils arrivèrent sur la zone mais avec les nuages et la pluie naissante la base n'était plus visible et pendant environ deux heures le soutien aérien dut être interrompu. L'artillerie américaine continua de son côté à tirer tout au long de la nuit.
Vers minuit les communistes se retirèrent. A l’aube, le 13 novembre, la bataille avait couté aux défenseurs de Red Warrior 5 KIA et 41 WIA. Le bataillon décompta 76 KIA ennemis dans le périmètre de la base mais ne pris pas la peine de ratisser les sous-bois à la recherche d’autres cadavres. Plus tard toutefois un pilote d'hélicoptère qui survolait toute la zone décompta environ 400 KIA ennemis complémentaires dans les arbres et la végétation. Malgré la victoire américaine, d'autres batailles de cette ampleur semblaient inévitables. Refusant de risquer un nouveau combat de ce genre si proche de la frontière cambodgienne le commandement US décida d'abandonner Red Warrior.
Le 18 novembre des unités 2/4 découvrirent deux larges camps de base communistes cachés dans la zone la plus au sud de Plei Trap. Le jour suivant l'équivalent de 3 compagnies fut envoyé pour détruire les bunkers mais juste après midi ce 19 novembre des éléments du 33eme régiment de l'ANV déclenchèrent une embuscade. Sur les heures qui suivirent les américains parvinrent à tenir et à la nuit tombée s'étaient établi un petit périmètre défensif. Les snipers ennemis cachés dans les arbres harcelèrent les américains toute la nuit. L'ANV avait toutefois subit d'importantes pertes, environ 165 KIA du fait des frappes d'artillerie et des bombardements aériens et ne souhaitait pas en perdre plus en se risquant à un assaut frontal. Au matin les forces alliées avaient fait jeu égal avec le 33ème mais au prix de 19 KIA et 53 WIA, la plupart américains. Ce même jour, le 20 novembre, La 4th Division reçu l'ordre de se retirer de la partie sud de Plei Trap.
Un nouveau combat à la frontière
Pendant ce temps au sud, la 2nd brigade 1st Cavalry ne rencontrait toujours pas beaucoup de résistance sur sa zone, l'un des bataillons reçut donc l'ordre de retourner sur la côte. Néanmoins le commandement de la brigade continua d'envoyer des patrouilles de surveillance de la taille d'une compagnie près de la frontière cambodgienne. Le 21 novembre cette pratique se termina en désastre lorsqu'une patrouille tomba en plein sur un bataillon du régiment 101C de l'ANV et fut totalement submergée. Le bilan fut lourd du côté américain 32 KIA et parmi ceux-ci un grand nombre avait en fait été capturé et exécuté par les nord-vietnamiens avant même que le soutien aérien et de l'artillerie n'aient pu réagir.
Entre le 20 et 30 novembre après le départ de Plei Trap des troupes au sol américaines, la vallée fut saturée par les frappes de B-52. Dans le même temps les brigades d'infanterie reçurent l'ordre de se redéployer direction nord dans une dernière tentative pour parvenir à fixer les régiments 32d et 95B nord-vietnamiens toujours présents selon les renseignements à l'est de Nam Sathay. Comme d'habitude l'avancée fut méthodique et précédée de frappes. Mais cette fois les troupes américaines furent gaspillées. En effet, après 6 semaines de combat éreintant en terrain inhospitalier la 4th Division avait subi plus de 100 KIA et 500 WIA. Les soldats fatigués, rencontrant pour la première fois l'ennemi, du moins pour la plupart, étaient devenus également la proie de la malaria qui fit en définitive plus de victimes parmi eux que les tirs ennemis.
Cependant le balayage de la zone nord continua et malgré la fin de l'opération qui approchait le commandement général décida le 9 décembre de renforcer les effectifs au sol avec l'arrivée de la 1st Brigade de la 101st Airborne Division dans la région nord de Plei Trap. Le jour suivant le commandement général décida un élargissement de Paul Revere IV, comme cela avait été le cas pour Attleboro, en en transférant le commandement opérationnel au niveau corps, à savoir la I FFV en établissant une base avancée à Peiku. Presque à son dénouement Paul Revere IV se retrouvait cependant avec un effectif énorme de 4 brigades pour manœuvrer le long de la frontière. Mais à ce moment-là les communistes avaient déjà totalement disparus, s'étant repliés au Cambodge. A la mi-décembre le commandement américain envisageait le retrait des forces. Et le 27 décembre une attaque ennemie sur la côte Vietnamienne conduisit au retrait de la 1st Cav et une semaine après ce fut le tour de la 25th Division. La 101st sous le contrôle de la I FFV resta dans la province de Kontum jusqu'à la deuxième quinzaine de janvier 1967. Mais le combat pour Plei Trap était maintenant terminé.
Bilan
Comme pour Attleboro, Paul Revere IV ne se termina pas vraiment sur une victoire ou une défaite, chaque camp pouvant s'autoproclamer victorieux mais sans réellement avoir réalisé de résultats décisifs. Le commandement en chef américain avait mené l'opération dans les hauts plateaux comme par le passé en cherchant l'ennemi le long de la frontière. Selon le décompte américain le bilan de pertes s'élevait à 977 KIA et 18 POW du côté communiste alors que les pertes alliées incluant la Task Force Prong approchaient les 300 dont pour les troupes US seules 110 KIA dont 62 KIA et 158 WIA pour la 1st Cav et la 4th Division.
Les renseignements remontèrent l'information comme quoi les régiments 33 et 95B de l'ANV avaient subis de très sérieuses pertes. En effet, le 33 resta inactif plus d'un an après l'opération et le 95B ne combattit plus jamais en tant qu'unité. Quant au régiment 101C il fut réduit à un seul bataillon et ces membres furent dispersés au sein des régiments 32 et 88.
Donc de ce point de vue le commandement américain avait de quoi être optimiste quant à l'action de Paul Revere IV. L'ennemi avait été forcé à se cantonner à la défensive et bien que les opérations à la frontière aient requises un appui feu important, la 4th Division montra son endurance et d'autres opportunités dans les hauts plateaux étaient encore à venir.